Compte rendu

Grande conférence : Dr Philippe Boxho

Alain Thilmany

par Alain Thilmany
Avocat au barreau de Bruxelles,
Chargé de cours HELHa/EPHEC/UCL-Mons.

Le jeudi 10 avril 2025, la Conférence du jeune barreau de Bruxelles a organisé sa deuxième grande conférence de l’année judiciaire en accueillant le Docteur Philippe Boxho comme invité.
Le curriculum vitae du Dr. Boxho est impressionnant: médecin légiste, professeur à l’Université de Liège, directeur de l’Institut de médecine légale de l’Université de Liège, membre de l’Académie royale de Médecine de Belgique, ancien vice-président du Conseil National de l’Ordre des médecins de Belgique, président du Conseil d’administration du CHU de Liège, auteur à succès et chroniqueur.

Sa profession peut sembler étrange, voire macabre, mais sa personnalité est tout sauf austère. À travers un exposé didactique, amusant et surtout passionnant, il a su captiver son audience. Malgré la singularité du sujet, le Dr. Boxho s’est révélé chaleureux, professionnel et drôle.
Le Dr. Boxho sait comment passionner une foule. Son discours a même convaincu certains avocats présents, surtout ceux spécialisés en affaires, qu’ils avaient peut-être raté leur vocation en criminologie. Nous revenons sur les moments les plus marquants de cette conférence.
Comble pour un médecin légiste, M. Boxho débute la conférence sans mettre de gants et il prévient : les photos qu’il va projeter pour accompagner son exposé sont authentiques, sans filtre (sauf pour la confidentialité) et parfois sordides. En moyenne, a-t-il ajouté, une personne s’évanouit sur une audience de 300 personnes.

Il n’a pas menti. Tout au long de l’exposé, il nous montre des images de suicides, de scènes de crimes plus ou moins sanglantes, de cadavres à différents stades de décomposition, d’insectes nécrophages et même de restes momifiés.
Pendant près de deux heures, le Dr. Boxho a abordé diverses situations inhabituelles rencontrées au cours de sa carrière, offrant un véritable florilège des crimes les plus fous et parfois les plus ridicules.

Nous allons ainsi passer du meurtre déguisé en suicide (mais élucidé car l’épouse du défunt avait placé le pistolet dans la main gauche de la victime, oubliant que son mari était droitier) au meurtre à l’attendrisseur de viande en passant par un assassinat impliquant la découpe, la congélation et l’incinération de Monsieur par Madame, le tout pendant les heures d’école, pour que les enfants ne soient pas au courant.
On se demande pourquoi nous regardons encore des séries policières quand il suffit de lire les faits divers. En atteste le cas de cette femme tuée et jetée aux cochons, un mauvais remake d’un film de Ridley Scott, où le dénouement est venu de l’euthanasie et de l’ouverture de l’estomac du « plus gros cochon », celui-ci ayant vraisemblablement mangé avant et plus que les autres.

Mais l’histoire la plus marquante est sans doute celle de cet homme qui s’est suicidé avec un fusil à verrou en s’infligeant 14 balles, alors que le chargeur n’avait qu’une capacité de 6. Cet homme s’est donc non seulement tiré dessus à plusieurs reprises, déverrouillant et reverrouillant le fusil à chaque fois, mais il a également pris la peine de recharger son arme à mi-chemin pour achever son acte. On ne sait pas s’il faut saluer sa patience ou s’effrayer de sa persévérance. Quoi qu’il en soit, c’est à ce jour, semble-t-il, le record du monde de balles infligées à soi-même avec un fusil de chasse.

Au-delà de l’aspect – par moment – sensationnel de la conférence, un des objectifs du Dr. Boxho nous semble avoir été d’éduquer son audience à des questions importantes qui touchent sa profession. Saviez-vous que la Belgique ne compte que 20 médecins légistes pour l’ensemble de son territoire et qu’elle ne réalise d’autopsie que pour 1 à 2% des décès ? Ce pourcentage est bien plus élevé chez nos voisins, la moyenne européenne étant de 12 %.

Ces insuffisances posent des questions quant au fonctionnement efficace de la justice pénale et de notre ordre juridique. Elles ne resteront certainement pas lettres mortes auprès des personnes présentes. Espérons qu’elles parviennent aussi aux oreilles du législateur.

En bref, la conférence du 10 avril 2025 a été un succès. Plus qu’une occasion de parler de crimes graves, comme c’est souvent le cas au Palais de justice de Bruxelles, c’était une opportunité de découvrir les rouages méconnus de la médecine légale, pourtant partie intégrante de la pratique judiciaire.